13 janvier 2007

Rapport Individu-Société selon Norbert Elias

Nous vous proposons ici un bref résumé d'une oeuvre sociologique majeure:
La société des individus
Norbert Elias, Pocket, 1997.

Dans l’avant propos de Roger Chartier, on trouve une position éclairante sur la vision d’Elias concernant l’individu et la société :

Cette dualité Individu-Société
« habite l’expérience commune, qui contraste spontanément le moi propre, valorisé, et la société, extérieure et hostile. Elle fonde les modèle traditionnels de la compréhension en histoire, divisée entre, d’un côté, l’exaltation de l’individu dont les libres intentions et les actions volontaires sont présupposées produire les évolutions historiques et, de l’autre, la dissolution des individualités dans un déroulement historique commandé par la nécessité. Elle partage les théories sociologiques en deux ensembles : celles qui postulent implicitement que l’individu est antérieur et extérieur à la société, tenue pour l’agrégation ou la somme des individualités autonomes ; celles qui conçoivent les sociétés comme de grandes machineries dont les fonctionnements sont tout à fait indépendants des intentions individuelles » (p.11).

Il est nécessaire, pour comprendre un rapport nous-je, d'user de concepts tant anciens (comme société des individus) que novateurs avec « figuration » ou « configuration » permettant de "penser le monde social comme un tissu de relations" ; celui « d’habitus social » définit par Elias comme ce que « tout individu, si différent soit-il de tous les autres, partage avec les autres membres de sa société ».

Elias va essayer d’historiciser la manière de penser consistant à opposer l’individu (« le moi propre ») à la société (« le monde social »).

pp. 55-56, Elias définit le concept de configuration par le biais d’une analogie à la danse :

« Que l’on se représente pour symboliser la société un groupe de danseurs, en songeant aux danses de cour, la pavane ou le quadrille, ou bien encore à une ronde paysanne. Les pas et les révérences, tous les gestes et tous les mouvements qu’effectue chaque danseur se règlent entièrement sur ceux des autres danseurs et danseuses. Si l’on considérait séparément chacun des individus qui participent à cette danse, on ne comprendrait pas la fonction des mouvements. La façon dont l’individu se comporte en l’occurrence est déterminée par les relations des danseurs entre eux.
Il n’en va pas très différemment du comportement des individus en général.
Que leur rapport soit celui d’amis ou d’ennemis, de parents à enfants, de mari et femme ou bien de seigneur à serf, de roi à sujets, de directeur à ses employés, le comportement qu’adoptent les individus est toujours déterminé par des relations anciennes ou présentes avec les autres. Et cela reste vrai même pour les ermites, loin du reste des hommes – les gestes pour s’éloigner des autres tout comme les gestes pour s’en rapprocher sont des gestes par rapport aux autres. D’une danse, l’individu peut certes sortir assez facilement. En revanche, les individus ne sont pas liés à la société uniquement par le besoin du plaisir et de la danse. Ils sont liés à la société par les dispositions les plus élémentaires de leur nature ».
Les figures classiques de dissociations opérées entre Individu et Société :

- L’Affirmation de l’Irréductible Originalité du Moi
- Le Primat est donné aux Valeurs de l’Intériorité
- L’idée selon laquelle l’Essence de la Personne s’exprime dans les comportements du privé.

De l’autre côté, c’est l’intériorisation des mécanismes de régulation et de censure des affects, des pulsions et des émotions qui institue dans l’individu un dispositif ou une instance de contrôle, désignés comme la « conscience » ou la « raison ».

Des formes de conscience de soi qui caractérisent à la fois :

- Un Habitus social où l’équilibre nous-je donne la primauté au « je ».

- Un Dualisme fondamental opposant intériorité-conscience / reste du monde ; sujet / objet ; esprit / corps ; etc.

- Il s’agit là d’une forme particulière avec laquelle les individus pensent leur rapport au monde.

=> Elias récuse la vision des « statues pensantes » de Condillac (l’homo clausus, p.20). Dans cette illustration, l’historicité des catégories de la pensée et de l’expérience est opposée à l’isolement des statues.
=> Le principal postulat d’Elias est de dire que chaque sujet pensant est inscrit dans un réseau de relations qui borne les limites de ce qui lui est possible de penser, c’est ainsi qu’il s’oppose à l’isolement
.

La critique de la tradition de la philo classique est une constante chez Elias (cf. pp.21-22).
P.23 est retranscrit un entretien d’Elias livré avec le journal Libération, il y explique la notion d’historicité.

Contre ces postures, Elias propose une manière de penser visant à établir la variabilité historique des formes de la pensée et de la conscience de soi. Il existe en outre une loi paradoxale qui régit les transformations de la conscience de soi : « plus sont denses les dépendances réciproques qui lient les individus, plus est forte la conscience qu’ils ont de leur autonomie. »

P.41, Elias nous dit que « Personne ne peut douter que les individus forment une société et que toute société est une société d’individus ».
Pour étayer sa thèse consistant à dire qu’il est méthodologiquement incorrect de distinguer individus et société, il reprend la métaphore d’Aristote à propos de la relation entre les pierres d’une maison et la maison elle-même : « le rapport de la pierre à la maison (…) une image facile pour montrer que de nombreux éléments isolés forment par leur réunion une unité dont la structure ne s’explique pas par les différents éléments».

« Car il est certain que l’on ne comprend pas la structure de toute la maison en considérant chacune des pierres qui ont servi à la construire isolément pour soi ; on ne la comprend pas non plus si l’on considère par la pensée la maison comme une unité sommative, comme si c’était un tas de pierres » (p.41-42).

Selon lui, c’est la Gestalttheorie qui a approfondi la réflexion sur les phénomènes de ce type.
=> Le tout n’est pas la somme des parties.
Par exemple, une mélodie se compose de plusieurs notes (différentes), mais représente autre chose que leur somme…idem pour une phrase, les livres, etc. qui sont différents de simples sommes de mots.

« (…) l’association, les relations entre des unités de grandeur inférieure, ou, pour utiliser plus précisément le terme de la théorie des ensembles, entre des unités de potentialité inférieure, produisant une unité de potentialité supérieure que l’on ne peut pas comprendre si l’on en isole les parties et que l’on considère indépendamment les relations entre elles » (p.42).

=> « Les pierres que l’on taille et assemble pour construire une maison ne sont qu’un moyen, la maison est une fin. Ne serions-nous donc pas nous-mêmes, individus, rien d’autre que des moyens qui ne vivent et n’aiment, ne luttent et ne menacent que pour servir la fin qu’est l’ensemble social ? » (p.42).

Il faut chercher dans les relations elles mêmes, telles qu’elles existent entre la pierre et la maison, entre les parties et le tous, sont des illustrations de référence pour comprendre le rapport de l’individu avec la société.

Question de l’harmonisation du social :

« (…) une coexistence sans frottements et sans heurts n’est possible que si tous les individus y trouvent suffisamment de satisfaction, et une vie individuelle satisfaisante n’est possible que si le cadre social dans lequel elle se déroule est exempt de tensions, de troubles et d’affrontements ».
(p.43).

Le problème réside dans le fait que tous les systèmes présents penchent de l’un ou l’autre côté.

12 janvier 2007

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